lundi 18 juillet 2022

"Tout va bien." 2002. Exhibition Atelier Christophe Vailati October 2002. About the painting of T. G.

"Everything is fine - 2002." Exhibition Atelier Christophe Vailati October 2002. Then About the painting of T. G.

(ENG) Thierry Gruas exhibited in October 2002 in late Christophe Vailati's studio in Saint-Étienne. Exhibition named "Tout va bien". T.G. was then 40 years old.

See down. Followed by:

- Personal exhibitions 1985 - 2011.

- "About the painting of Thierry Gruas." Written excerpts from 2002 by Jean-Marc Cerino,  Franck Enjolras and Pierre Rochigneux. Links.


Tribute & Recognition T.G 1962-2017 - In memory. Revive the illuminating images and texts written in 2002 "About the painting of Thierry Gruas." 

Franck Enjolras wrotte about Thierry Gruas in 2002:
"Photography turns a reality into a snapshot, the image of a truth caught in the act; something was there, under the eyes of the lens, at a given moment, and, the time goes by with a click, and the impression of having been able to be there unfolds. Alberto Monguel summarizes it as follows: "Photography, while recognizing the subjectivity of the lens, relies on our conviction that what we see, we, the public, really was there, that it was passed at a precise moment, and that this was grasped as reality by the eye of the witness;" See down full article.

  - June 24, 2022 - Also in tribute to late artist Christophe Vailati who died in June 2022°°°.

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(FR) Thierry Gruas a exposé en octobre 2002 dans l'atelier de feu Christophe Vailati à Saint-Étienne. 

Exposition nommée "Tout va bien". TG avait alors 40 ans.  

Suivie de:

- Expositions personnelles 1985 - 2011.

- "À propos de la peinture de Thierry Gruas." Extraits écrits très intéressants de 2002 de Jean-Marc Cerino, de Franck Enjolras et Pierre Rochigneux. Liens.

Hommage & Reconnaissance T.G 1962-2017 - En mémoire. Faire revivre les images et les textes éclairants écrits en 2002 "À propos de la peinture de Thierry Gruas."
Franck Enjolras écrit à son sujet en 2002: "La photographie fait d'une réalité un instantané, l'image d'une vérité prise sur le fait; quelque chose était là, sous les yeux de l'objectif, à un moment donné , et, passe le temps d'un déclic, et l'impression d'avoir pu y être se déroule. Alberto Monguel le résume ainsi:" La photographie, elle, tout en reconnaissant la subjectivité de l'objectif, compte sur notre conviction que ce que nous voyons, nous, le public, s'est réellement trouvé là, que cela s'est passé à un moment précis, et que cela a été saisi en tant que réalité par l'oeil du témoin;" Voir ci-après.

- 24 juin 2022 - En hommage aussi à l'artiste feu Christophe Vailati décédé en juin 2022°°°. 

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  "Tout va bien." "Everything is going well."

  

 

 

 

 

 

 

 

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Image 2 of 12 
  Image 3 of 12  
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Image 6 of 12 Mur (7) 
Image 7 of 12 Mur (7)
 Image 8 of 12 Mur Accrochage 1
  
Image 9 of 12 Mur Accrochage 2
  Image 10 of 12 Mur
 
Image 11 of 12 Accrochage 4 
Image 12  of 12 Vernissage
 
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 EXTRAIT des œuvres de son site - EXTRACT works from his website :

 

Extract from Thierry Gruas' website unavailable, closed in may 2020.
 
Extrait du site public de Thierry Gruas indisponible, fermé en mai 2020:

http://www.indefini.lautre.net/thie...

Site de son vivant visible, fermé depuis mai 2020 - website of his lifetime no more visible:  http://www.indefini.lautre.net/thierrygruas...

L’Autre Net, hébergeur associatif autogéré. Self-managed associative host. ...(FR).."Basée sur une gestion solidaire du service, une mise en commun des moyens menant à la production d’un service par ceux qui le consomment, et le partage de coûts d’hébergement, l’association existe depuis 2000 et compte environ un millier de membres à ce jour...."

(ENG) About the painting of Thierry Gruas.
Painting by Thierry Gruas. Exhibitions. Texts. Connections.
 
Thierry Gruas studied at the Beaux-Arts in Saint-Étienne. He graduated there in 1985.

His initial works play with the action of time on matter. This research finds its fulfillment with a series of sculptures of human faces and fragments, dedicated from their creation to organic metamorphosis and disintegration.
 
From the 1990s, he devoted himself entirely to painting. He produced several series fed by the media image: advertisements, news, photo-reports. The image of magazines is photocopied, enlarged, then covered by the pictorial gesture, the process thus preserving a claimed continuity between the scene captured by the photographer and, at the other end, the action of the painter.
 
From 2009, this time he took his own family photo albums to start the series of "False memories". The faces are often reduced to the simplest expression "so that each spectator can identify with these familiar scenes". He mixes these intimate images with emblematic icons of the time, between 1962, the year of his birth, and today: Gagarin, the Easy Rider bikers, the TGV, an atomic power station chimney, Dolly, the hulla hop, a space shuttle, a statue being knocked down...
 
The social movements that agitated France against the pension reform in the fall of 2010 inspired the series "Demonstrators -  Les Manifestants". From the digital photographs that he himself took in the streets of Saint-Étienne, he isolates faces from the anonymous multitudes, and extracts portraits that do not seek to figure, but to capture life, the moment, the gesture, to provoke the appearance of being, even if it means "disfiguring" the photographic snapshot.

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(FR) A propos de la peinture de Thierry Gruas.
La peinture de Thierry Gruas. Expositions. Textes. Liens.
 
Thierry Gruas étudie aux Beaux-Arts de Saint-Étienne. Il y obtient son diplôme en 1985.
Ses travaux initiaux jouent avec l'action du temps sur la matière. Cette recherche trouve son accomplissement avec une série de sculptures de visages et fragments humains, voués des leur création à la métamorphose organique et à la désagrégation.
 
A partir des années 1990, il se consacre entièrement à la peinture. Il réalise plusieurs séries nourries de l'image médiatique : publicités, actualités, photo-reportages. L'image de magazines est photocopiée, agrandie, puis recouverte par le geste pictural, le procédé préservant ainsi une continuité revendiquée entre la scène capturée par le photographe et, à l'autre extrémité, l'action du peintre.
 
Dès 2009, il se saisit cette fois de ses propres albums de photo de famille pour entamer la série des "Faux souvenirs". Les visages y sont souvent réduits à la plus simple expression "pour que chaque spectateur puisse s'identifier à ces scènes familières". Il mêle à ces images intimes des icônes emblématiques de l'époque, entre 1962 , année de sa naissance, et aujourd'hui: Gagarine, les motards d'Easy Rider, le TGV, une cheminée de centrale atomique, Dolly, le hulla hop, une navette spatiale, une statue qui se fait déboulonner...
 
Les mouvements sociaux qui agitèrent la France contre la réforme des retraites l'automne  2010 lui inspirent la série des "Manifestants". A partir des photographies numériques qu'il a lui-même prises dans les rues de Saint-Étienne, il isole des visages issus des multitudes anonymes, et en extrait des portraits qui ne cherchent pas à figurer, mais à capter la vie, l'instant, le geste, pour provoquer l'apparition de l'être, quitte à "défigurer" l'instantané photographique.
 



(ENG) Notes by Thierry Gruas
About the series of "False memories."

"I start with ideas, but above all I want to be surprised by my new experiences.
I would be desperate if the painting reflected exactly the original idea. I want the surprise.
I expect painting, a revelation."
 
I'm not asking for clarity in the confusion, it's up to you to take the time.
I question reality.
I try to create questions.
"
Catharsis

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(FR) Notes de Thierry Gruas 
Au sujet de la série des "Faux souvenirs."
"Je commence par des idées, mais je veux surtout me laisser surprendre par mes nouvelles expériences.
Je serai désespéré si le tableau reflétait exactement l'idée du départ. Je veux la surprise.
J'attends de la peinture, une révélation." 
 
Je ne réclame pas de clarté dans la confusion, à vous de prendre le temps.
J'interroge le réel.
J'essaye de créer des interrogations." 
Catharsis
 


(ENG) Presentation of the painting of Thierry Gruas
By Jean-Marc Cerino, for local line 8
Thierry Gruas is a painter, one of those painters who have never let go of this fidelity for a medium of solitude, so humble with regard to the possibilities of many other current techniques and at the same time with such a vast territory. Thierry Gruas remains of his time and if he has long developed to the "devouring" and fascinating images of the mass media, today it is to his personal story, to the family album, to the photographs of friends that it gives and restores a new dimension: "My painting no longer has anything to do with the reality of the photographic moment, my painting is another world, mythical and timeless".
Jean-Marc Cerino
extract from Local line 8 - Young creators based in Saint-Étienne. 
 
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(FR) Présentation de la peinture de Thierry Gruas
Par Jean-Marc Cerino , pour local line 8
Thierry Gruas est peintre, de ces peintres qui n'ont jamais lâché cette fidélité pour un médium de la solitude, si humble au regard des possibilités de bien d'autres techniques actuelles et en même temps au territoire si vaste. Thierry Gruas reste de son époque et s'il s'est longtemps développé aux images "dévorantes" et fascinantes des mass-média, aujourd'hui c'est à son histoire personnelles , à l'album de famille, aux photographies d'amis qu'il donne et redonne une nouvelle dimension : "Ma peinture n'a plus rien à voir avec la réalité de l'instant photographique , ma peinture est un autre monde, mythique et intemporel". 
Jean-Marc Cérino 
extrait de Local line 8 - Jeunes créateurs basés à Saint-Étienne.
 
 

(ENG) Thierry Gruas or painting eye of the world: breaking the memory - reconstructing the image.
By Franck Enjolras.
For any artist, one could freely imagine that his studio represents the place where, behind the back door, entrenched, he would gladly do without the world. 
Thierry Gruas, as a faithful creator, has his own: a universe of junction between private life and life of dreams. One step into this space and looking closer, the world in general is present there, in its own way. Cut-out images, the press cluttering the armchairs, the dog-eared books cavorting, and life reigns deeply in this space between reflection and creation. 
The world breathes there, struggles there, poses its enigmas with intensity in its mixtures, in the chaos of thoughts and materials that had been mixed together, and as soon as you get out, you have the sudden impression of seeing it suddenly, this world which makes us, from another look. 
T.Gruas, as an ascetic of colors, like any artist imposes this isolation in a place that defines him. He lets himself be surprised, sometimes, in his own lair, crossed by bells, hanging from a thread, imprinted with a certain religiosity, which awaken when you touch them with the tip of the head. Piously, as the bells suit us, he is busy with this task that no one can define with accuracy and precision, that of projecting colors on a canvas, in jerks, to build the field of a representation. Ancestral, this technique has occupied for centuries man anxious to question the world and eager to offer it, by the sacrifice of his thought, an image of what makes him human. The canvases, at Thierry's, are spread out pell-mell on the floor; hidden, asleep in a half-sleep that a benevolent hand comes to wake up by placing them on a wall.
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(FR) Thierry Gruas ou la peinture œil du monde : briser le souvenir  - reconstruire l'image.
Par Franck Enjolras.
 Pour tout artiste, on pourrait librement imaginer que son atelier représente le lieu, où d'un revers de porte, retranché, il se passerait volontiers du monde. Thierry Gruas, en fidèle créateur, a le sien: un univers de jonction entre vie privée et vie de songes. Un pas dans cet espace et à y regarder de plus prêt, le monde en général y est bien présent, à sa façon. Des images découpées, la presse encombrant les fauteuils, les livres cornés qui s'ébattent, et la vie règne profondément dans cet espace entre réflexion et création. Le monde y respire, s'y débat, pose ses énigmes avec intensité dans ses mélanges, dans le chaos des pensées et des matières qui s'étaient, et sitôt sorti, on a comme la brusque impression de le voir soudain, ce monde qui nous fait, d'un autre regard. T.Gruas, en ascète des couleurs, s'impose comme tout artiste cet isolement dans un lieu qui le définit. Il s'y laisse surprendre, parfois, dans son antre à lui, traversé de cloches, pendues à un fil, empreintes d'une certaine religiosité, qui s'éveillent lorsqu'on les touche du bout de la tête. Pieusement, comme les cloches nous y convient, il s'active à cette tâche que personne ne saurait définir avec justesse et précision, celle de projeter sur une toile des couleurs, par saccades, pour se construire le champ d'une représentation. Ancestrale, cette technique occupe depuis des siècles l'homme soucieux d'interroger le monde et avide de lui offrir, par le sacrifice de sa pensée, une image de ce qui le rend humain. Les toiles, chez Thierry, sont étalées pêle-mêle sur le sol; cachées, endormies d'un demi sommeil qu'une main bienveillante vient réveiller en les disposant sur un mur

(FR) ... on a wall crossed on all sides by points of steel. Thierry is there, great in the way he picks up his work and exposes it, not without shame, to the avid eyes of the spectator. Each painting has an explanation. Each creation has a will. The chaos of the canvases is only an impression, in the middle of the decor, and piled up one on top of the other, they hide their truth, shine in the dark, are impatient to be freed. 
They are like the painter, caught up in their mystery which makes them more serious, deeper, and Thierry slips away behind them like the writer disappears into the words he has chosen to make himself, despite himself, always present. . From Lascaux to Cézanne, the world has opened up through flat space, and men have found there a way to have fun, the possibility of believing and above all the ambition to make the invisible visible. Painting has extended the spirit, and the hand has become the pleasure of an overpowering achievement. At the end of the 19th century, "painting is dead", we exclaim. A sacrilege, even an aberration. Certainly a death is celebrated. Nietzsche is doubly right: God is dead and we will cry, for a long time, just like the end of his reign, but that is not the case with painting. Photography, without replacing it, merely jostled it, nudged it with a little tap and gave free rein to its
(FR) traversé de toutes part par des points d'acier. Thierry est là, grand dans sa façon de cueillir son travail et de l'exposer, non sans pudeur, aux yeux avides du spectateur. A chaque toile, une explication. A chaque création une volonté. Le chaos des toiles n'est qu'une impression, au milieu du décor, et amassées les une sur les autres, elles dissimulent leur vérité, rayonnent dans le noir, s'impatientent qu'on les libère. Elles sont comme le peintre, prises dans leur mystère qui les rend plus sérieuses, plus profondes, et Thierry s'esquive  derrière elles comme l'écrivain s'éclipse dans les mots qu'il a choisi pour se rendre, malgré lui, toujours présent. De Lascaux à Cézanne, le monde s'est ouvert par l'espace plan, et les hommes y ont trouvé moyen de se distraire, la possibilité de croire et surtout  l'ambition de rendre visible l'invisible. La peinture a prolongé l'esprit, et la main s'est faite comme le plaisir d'une réalisation surpuissante. Fin du XIXième, "la peinture est morte" s'exclame-t-on. Un sacrilège, voire une aberration.. Certes une mort est célébrée. Nietzsche a doublement raison : Dieu est mort et on va pleurer, longtems, tout comme la fin de son règne, mais il n'en est rien de la peinture. La photographie, sans la remplacer, l'a seulement bousculée, poussée d'une petite tape et a laissé libre cours à son

(ENG) to its imprint so that it gives itself other letters of nobility. It is not De Staël, Bacon or Freud who will contradict this vast observation.
We never really know what the painting will produce on us as an emotion. We are attentive to this without really knowing what attitude to adopt in front of her. We are looking for it. The slightest detail can be important, but it is under the effect of a surprise that one suddenly finds a first satisfaction in appreciating a canvas. But isolated, the surprise could turn to incomprehension, even to stupefaction betraying unease. The canvas, to please, must also be the imagery of markers, a semblance of attachment points with which it is furtively possible to dialogue. This balance is precarious as in front of a landscape that is lost in the fog. It is due to a strange alchemy that Thierry ensures through his technique and through his function of hanging the subjects on his canvases. Figurative, it is, one might say, but in a way that allows this meeting of the surprised and the known. In such a way that these paintings take account of a universe at the border between the strange abstract and the familiar which becomes clearer, always on the edge, always able to ask a question and deliver an answer. He
 
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(FR) empreinte pour qu'elle se donne d'autres lettres de noblesse. Ce ne sont pas De Staël, Bacon ou Freudqui contrediront ce vaste constat.
On ne sait jamais vraiment ce que la peinture va produire sur nous comme émotion. On est attentif à cela sans savoir vraiment qu'elle attitude adopter face à elle..On s'y cherche. Le moindre détail peut avoir son importance, mais c'est sous l'effet d'une surprise que l'on trouve soudain une première satisfaction à apprécier ue toile. Mais isolée, la surprise pourrrait tourner à l'incompréhension, voire à l'hébétude trahissant un malaise.  La toile, pour plaire, doit aussi être la mise en images de repères, un semblant de points d'accroche avec lesquels il est furtivement possible de dialoguer. Cet équilibre est précaire comme devant un paysage qui se perddans le brouillars. Il tient à une alchimie étrange que Thierry assure âr sa technique et par sa fonction d'accrocher les sujetssur ses toiles. Figuratif, il l'est, pourrait-on dire, mais d'une manière qui permet cette réunion de la surprise et du connu. De sorte que ces toiles rendent compte d'un univers à la frntère de l'étrange abstrait et du familier qui se précise, toujours sur le fil, toujours à même de poser une question et de liver une réponse. Il 
  
 
(ENG) I must specify why. He does not paint alone, without support, without a railing to hold on to in order to move forward. Photography is thus his first base, his unhealthy companion. 
It is more than an inspiration. He relies on it, like others, but with the impression of never being really satisfied with it. He does not copy it; he exalts it. of clay which he kneads before starting to chisel or shape the details. Several types of photographs are part of his space of exploitation and this, it seems to me, is the strength of his work and the way he has of questioning the world that is ours and of offering a reading of it as an answer to the enigmas that existence poses to us
Photography has become in a few decades the extension of our thoughts, our desires, and it is as much a propaganda device as a mirror in which our dreams are lost and our life is written. There isn't a place, not a moment now, without the image being part of our field of vision; media, billboards, images in the street, image at home, image with oneself, on one's phone, on one's computer, public images, family images, intimate images, images to hide, images we show, photos in all

(FR) me faut préciser pourquoi. Il ne peint pas seul, sans support, sans rembarde à laquelle se tenir pour avancer. La photographie est ainsi sa première base, sa compagne maladive.. Elle est plus qu'une inspiration. Il s"'appuie sur elle, comme d'autres, mais avec l'impresssion d'en n'être jamais vraiment satisfait. Il ne la copie pas; il l'exalte. C'est, par référence au sculpteur, la terre d'argile qu'il pétrit avant de se mettre à ciseler ou à façonner les détails. Plusieurs types de photographies font parties de son espace d'exploitation et c'est là me semble-t-il, la force de son travail et la manière qu'il a de questionner le monde qui est le notre et d'en offrir une ecture en guise de réponse aux enigmes que l'existence nous pose.
La photographie est devenue en quelques décennies la prolongation de nos pensées, de nos désirs, et elle est d'autant un artifice de propagande qu'un miroir dans lequel nos rêvesse perdent et notre vie s'écrit. Il n'est pas un lieu, pas un moment désormais, sans que l'image ne fasse partie de notre champ de vision; médias, panneaux publicitaires, images dans la rue image chez soi, image avec soi, sur son téléphone, sur son ordinateur, images publiques, images de famille, images intimes, images à cacher, images que l'on montre, photos en tout
 
 
 
(ENG) photos in all place, photos of all kinds, images that we absorb and that we no longer digest, photos that burn, photos that tell the truth, perverted images that betray, images that we can no longer do without like those to which we fix our destiny - those which decide us, for example, to travel the world, the one behind which, out of nostalgia, despair or madness, we run through the forests, we climb the peaks, even, by cowering, we remake our lives. 
Omnipresent as omnipotent, the image defines the world, and by extension, the world relies on it to build itself, not without wounding, not without the threat that the image drains into the ditches of its embraces. 
Thierry seizes them above all because they are there, multiple, and he observes them, dissects them, with a distanced gaze. He has been operating a selection in his own way for a few years, he scrutinizes some more than others. We could see this in terms of period, of scansion in the rhythm of his breath that he slips into his painting. But that would only be an arbitrary cut that the creation does not recognize. When te creation is taken head-on; creation is continuity, a sequence, a long phrase that gets lost in the mists of time.
Photography turns a reality into a snapshot, the image of a truth caught in the act; something was there, under the eyes of the lens, at a given moment, and, the time goes by with a click, and the impression of having been able to be there unfolds. Alberto Monguel summarizes it as follows: "Photography, while recognizing the subjectivity of the lens, relies on our conviction that what we see, we, the public, really was there, that it was
(FR) lieu, photos en tout genre, images que l'on absorbe et que l'on ne digère plus, photos qui brûlent, photos qui disent le vrai, images perverties qui trahissent, image dont on ne peut plus se passer comme celles auxquelles on fixe sa destinée - celles qui nous décident par exemple à parcourir le monde, celle derrière laquelle, par nostalgie, par désespoir ou par folie, on court les forêts, on grimpe les cimes, voire, en se recroquevillant, on refait sa vie. Omniprésente comme omnipotente, l'image définit le monde, et par extension, le monde s'appuie sur elle pour se bâtir, non sans blesser, non sans menace que l'image draîne dans les fossés de ses étreintes. Thierry les saisit avant tout parce qu'elles sont là, multiples, et il les observe, les dissèque, d'un regard distancié. Il opère à sa façon depuis quelques années une sélection, il en scrute certaines plus que d'autres. On pourrait voir cela en terme de période, de scansion dans le rythme de son souffle qu'il glisse dans sa peinture. Mais cela ne serait qu'une découpe arbitraire que la création ne reconnait pas. Qaund elle est prise à bras le corps; la création est continuité, un enchainement, une longue phrase qui se perd dans la nuit des temps.
La photographie fait d'une réalité un instantané, l'image d'une vérité prise sur le fait; quelque chose était là, sous les yeux de l'objectif, à un moment donné , et, passe le temps d'un déclic, et l'impression d'avoir pu y être se déroule. Alberto Monguel le résume ainsi:" La photographie, elle, tout en reconnaissant la subjectivité de l'objectif, compte sur notre conviction que ce que nous voyons, nous, le public, s'est réellement trouvé là, que cela s'est 
 
(ENG) passed at a precise moment, and that this was grasped as reality by the eye of the witness;"1 To photography, a body devoted, one might say, to painting, a soul which s raises, a subjectivity, springing up at the right time, when the artist, like Thierry, draws from it the voices of his inspiration.
First image that Thierry seizes, which attracts his attention, that of the media. Information is at its source. But its truth is often misleading Not important in itself. For Thierry, she is a reflection. I'm amazed at how much is a mix of randomness and precision. Dozens of photos, here and there, at his feet, which he cut out, unseated from their frame, from the text which linked them to a precise story, to an inventory as to a place. Here they are isolated, freed from their shackles, and they still speak to him. Strange words. We cannot say that a theme, that a type of photo attracts him primarily over another. The selection does not take place at this level. It's more subtle, more floating. A common point, however, fixes his attention. His gaze is attracted by faces, by other gazes, by this relief of multiple emotions, by their contradiction, by what seems both so common and so enigmatic. The face, as he reads it himself: "is the minimum sign of belonging to humanity. Painting is not just that." He punctures in the manner of the surgeon, who cuts into the body, into the flesh, the features of these snapshots, and his...
              
 
(FR) passé à un moment précis, et que cela a été saisi en tant que réalité par l'oeil du  témoin;"1 A la photographie, un corps dévoué, pourrait-on dire, à la peinture, une âme qui qui s'élève,une subjectivité, jaillie à point nommée, quand l'artiste, comme Thierry, en tire les voix de son inspiration.
Première image que Thierry saisit, qui attire son attention, cell des médias. L'information est à sa source. Mais sa vérité est souvent trompeuse Aucune importance en soi. Pour Thierry, elle est un reflet. Je suis étonné de voir combien est un mélange d'aléatoire et de précision. Des dizaines de photos, de-ci, de_là, à ses pieds, qu'il a découpées, désarçonnées de leur cadre, du texte qui les liaient à une histoire précise, à un inventiaire comme à un lieu,. Les voici isolées, dégagées de leur carcan, , et elles lui parlent encore. Des mots étranges. On ne peut pas dire qu'un thème, qu'un type de photo l'attire prirotairement par rapport à un autre. La sélection ne s'opère pas à ce niveau. C'est plus ubtil, plus flottant. Un point commun, néanmoins, fixe son attention. Son regard est attiré par les visages, par d'autres regards, par ce relief d'émotions multples, par leur contradiction, par ce qui semble à la fois si commun, et si enigmatique. Le visage, comme il le lit lui-même: " est le signe minimum d'appartenance à l'humanité. La peinture n'est pas que cela." Il ponctionne à la manière du chirurgien, qui tranche dans le corps, dans la chair, les traits de ces instantanés, et son ...
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(ENG) ... and its interest shifts from the face to the scene that fixes them, to the space that determines the relationship between the body and its emotions. 
Scenes of jubilation, scenes of tears, scenes of war, sports arenas, places where man is political, that is to say crossed by forced storms and free storms, always on the fringes of what he would like to be. , really, without betrayal. 
Planted there, facing these clichés, these photographic snapshots, the gaze is blocked, the imagination deceived. A shift is needed, a step aside. Only one choice for Thierry: painting, its relevance, in short the colors, to decide in turn, to dialogue with these scenes, to question its protagonists, surprised in the moment, to highlight the look cast on life , on its disturbing reality that photography, by its large focal length, obviously absorbs at once. Intermittent du spectacle n°8, 2007, 120x120 cm What to say about this choice Thierry made to start from a photo and reinvent the place, the stage, the space, in his own way, without ever having been there. Starting with a face, like that of an athlete crossing the finish line, he builds his own work. Frames more and more tight, à la Caravaggio, the stadium moves away, and the features of the young man multiply under the effect of reds, browns, and blues, by the large flat areas that acrylic paint allows. The relief is born of abrupt contrasts, and without trying to capture the face in its details, Thierry approaches what he could tell us, what the photo, above all, forgets to reveal to us. Four paintings for the same scene, four points of view, for a single rendering. Real focus, with his increasingly wide brushstrokes, he narrows his vision on the man who, victorious, has just crossed the finish line, while behind him, another athlete, caught in a storm , inevitably falling. It is on the man who wins that Thierry lingers and, major paradox, his rendering betrays less the joy of winning than a dread, a concern, at that moment, unexplained, inexplicable that the tones make more present , fleshy in itself, embodied in the hollow of the canvas, and the mouth, wide open, is a chasm in which to get lost. The painter who has become a prophet, without knowing it, he specifies in this tense face a story to come. The man is none other than Liu Xiang, Chinese athlete, grand winner, on this stage of the Athens Olympic Games over 110 meters hurdles. A few years later, again, at the following Olympic Games, but this time in front of his public, wounded and mastermind of his own loneliness, he gave up his arms. Without being able to fight, annihilated, he will bend with all his weight. Ephemeral, this glory, suddenly changed, from one race to another, in what man determines as his worst torments. Beijing forever cursed for its grieving son, under heavy expectations like a stormy sky. His face, scrutinized by a painter anxious to make things as close as possible, delivers as accurately as possible what the future conceals. Capacity for premonition, that would be saying too much, depth and acuity of the gaze, that's for sure, and a masterstroke, by the broom of the brushes which render, by this multiplication of the views of the scene, the tragedy of the story in going on, that's for sure. The painter, once ignorant, became the ambassador of a prophetic message. Of the four paintings, three show a detail, that of the face of a winner. Contemplated in their isolation, they become portraits whose distress strangely resembles that of a pursued, threatened individual, like the black man, described by A. Tabucchi in his novel, Indian Nocturne. Taken out of its overall frame, extracted from the image, the detail of which Tabucchi speaks shows a man, his arms raised, his face expressing effort. Dressed in a sporty shirt, decked out with a sporting slogan, this black man, on whom the gaze focuses, could correspond in all respects to a victorious athlete. However, placed in context, this man is prosecuted. The image and its rendering are quite different; behind him, a policeman, gun in hand, has just fired. This man has nothing of an athlete: pursued, when the scene is seized, he is almost already dead, whereas the first framing made him a victorious man. Reality, by this change of framework, is in short falsified as A. Manguel remarks. In the case of Thierry's quartet, it is reality that he questions, pursued as far as possible from what it does not show. Anticipated, the joy hides, not far behind it, the fear which surfaces, and the painting carries reality towards interstices which transfigure it, the subjective, closer to the contradictions which it is perhaps advisable to remove, by premonition or by simple and notable anticipation.
Captured the event by these little bits, by these details, by the sharp detail like the one Daniel Arasse celebrates in his brilliant analyzes 2; painting aims less to lift the fixity of a photograph than to unravel what it hides in its powerful emulsions. The choice to work on such a shot is not made on its recognition or on its media power, but much more on the lively side of its emotions, on the possible exposure of its suggestions, on its tirelessly universal character. The image is political; it drains visions, it brings answers where questions have often been absent. Giving text, telling in your own way what you see, offers both the possibility and the risk of saying too much, or not enough. The photographic image imposes itself, but we sometimes become blind to its message, to its rendering, when it is there, almost inert, without being able to renew itself, returning in a loop. It becomes strangely commonplace. The painting that Thierry then produces makes it less objective and his technique, made up of rapid but precise movements, the blurring of the rendering, all of this brings an additional imprecision from which the scene rightly benefits to make it more evanescent, without to lose oneself completely in abstraction, which multiplies its unreal capacity – homage to Malraux – to say the unspeakable. Certainly Thierry's painting often engages in these paths of abstraction, but this construction, reserved for the periphery of his canvases, reinforces the presence of the characters, drowned in the atmosphere of absolute silence. Images elected to the pantheon of his painting, scenes of war or repression have a place of choice. Political, it goes without saying, in their theme, they remain so after its celebration by the touches of pigments, but without bias, without judgment, just a vision of the questions it poses, without the brutality of reality that the painter displaces. , without the fervor of a commitment, present, despite everything, in its rendering. 
 
The Red Wall, 2005-2007 I'm thinking of his red wall, scenes probably taken from life in Gaza, without us really knowing it and it doesn't matter at all: faces by the dozen, on which we read as much distress as stupor or anger, a compact assembly of men drowned in the absoluteness of painting, at the heart of an endless, timeless, tirelessly restarted funeral where the body had to go through all the hands, but which masterfully , through the deconstruction of the frames of the scene, has gone away. Its only materiality, the lost eyes of those who have observed it to the point that it imprints itself behind their tears; I am also thinking of this vision of police repression, where, for once, Thierry invites himself in his own way, inside the space. He redefines the image, introduces himself in its center, looks, not through his eyes, but through his imagination, at what is being plotted and he delivers it thus, raw from a reconstruction. He abandons the technique of tight framing in favor of a multiple positioning at the heart of the protagonists; we then find ourselves, sometimes in front, sometimes behind the police ready to strike, shield in the air, truncheon in hand, de facto exposing the embodied shadows of repression.
A man, alone, faced with this horde of civil servants, observed, taken to task, whose presence is magnified by a movement of his arm, thrown upwards, between protection and protest, and who sets the rhythm of this terrible and so common showdown. Intermittent du spectacle n°2, 2007, "Gaza", 180x180 cm The photo, abrupt, probably delivers – but we do not know it – its version of the snapshot, giving free rein to violence; painting is a multitude of points of view, a stop on violence, but coated with a thought that painting wins over, and the colors, bright, plural, give substance to this field of the impossible that should be explored. to question in order to vouch for a permanence, a continuity of the ineffable. If, on the other hand, Thierry's painting dramatizes the sporting image, highlights its hidden political twists and turns, it softens in some ways, by multiplying it, the scene of police violence. Rendered abstract in its flat tints, the chromatic reading is nonetheless a source of deep thoughts, because the painting thereby follows a very contemporary movement of restrained brutality, of violence that unfolds, of scattered upsurges, deceiving its world on its possible limitations. Less visible, violence hides, slips away, as vividly as painting makes it abstract, but very much alive, there is no human feverishness in modern society.  ...

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(FR) ... et son intérêt glisse du visage à la scène qui les fixe, à l’espace qui détermine le rapport du corps et de ses émotions. Scènes de liesse, scènes de pleurs, scènes de guerre, arènes sportives, lieux où l’homme est politique, c’est à dire traversé d’orages contraints et de tempêtes libres, toujours en marge par rapport à ce qu’il voudrait être, vraiment, sans trahison. Planté là, face à ces clichés, à ces instantanés photographiques, le regard est bloqué, l’imaginaire trompé. Un décalage s'impose, un pas de côté. 
Un seul choix pour Thierry: la peinture, sa pertinence, en somme les couleurs, pour trancher à son tour, pour dialoguer avec ces scènes, pour interroger ses protagonistes, surpris dans l’instant, pour mettre en relief le regard jeté sur la vie, sur sa troublante réalité que la photographie, par sa grande focale, absorbe manifestement d’un coup. Intermittent du spectacle n°8, 2007, 120x120 cm Que dire de ce choix qu'a fait Thierry de partir d’une photo et de se réinventer le lieu, la scène, l’espace, à sa façon, sans jamais y avoir été. Parti d’un visage, comme celui d’un athlète franchissant l'arrivée, il construit son œuvre à lui. Cadrages de plus en plus serrés, à la Caravage, le stade s’éloigne, et les traits du jeune homme se démultiplient sous l’effet des rouges, des bruns, et des bleus, par les larges aplats que la peinture acrylique permet. 
Le relief naît de contrastes abruptes, et sans chercher à saisir le visage dans ses détails, Thierry s’approche de ce qu’il pourrait nous dire, de ce que la photo, surtout, oublie de nous révéler. Quatre tableaux pour une même scène, quatre points de vue, pour un seul rendu. Véritable mise au point, par ses coups de pinceaux de plus en plus larges, il resserre sa vision sur l’homme qui, victorieux, vient de passer la ligne d’arrivée, alors que derrière lui, un autre athlète, pris dans une tourmente, chute inéluctablement. 
C'est sur l’homme qui gagne que Thierry s’attarde et, paradoxe majeur, son rendu trahit moins la joie de gagner qu’un effroi, une inquiétude, à ce moment-là, inexpliquée, inexplicable que les tons rendent plus présente, charnue en soit, incarnée au creux de la toile, et la bouche, grande ouverte, est un gouffre où se perdre. Le peintre devenu prophète, sans le savoir, il précise dans ce visage tendu une histoire à venir. L’homme n’est autre que Liu Xiang, athlète chinois, grandiose vainqueur, sur cette scène des jeux Olympiques d’Athènes sur 110 mètres haies. Quelques années plus tard, de nouveau, aux jeux olympiques suivants, mais cette fois devant son public, blessé et maître d’œuvre de sa propre solitude, il rendra les armes. Sans pouvoir lutter, anéanti, il pliera de tout son poids. Éphémère, cette gloire, changée soudain, d’une course à l’autre, en ce que l’homme détermine comme ses pires tourments. Pékin à jamais maudite pour son fils éploré, sous des attentes pesantes comme un ciel d’orage. Son visage, scruté par un peintre soucieux de rendre les choses au plus prêt, livre au plus juste ce que l’avenir dissimule. Capacité de prémonition, ce serait trop en dire, profondeur et acuité du regard, c’est certain, et coup de maître, par le balai des pinceaux qui rendent, par cette démultiplication des vues de la scène, le tragique de l’histoire en train de se vivre, c’est une certitude. Le peintre, un temps ignorant, devenu l’ambassadeur d’un message prophétique. Des quatre tableaux, trois rendent compte d’un détail, celui du visage d’un vainqueur. Contemplés dans leur isolement, ils deviennent des portraits dont la détresse ressemble étrangement à celle d’un individu poursuivi, menacé, comme l’homme noir, dont A. Tabucchi fait la description dans son roman, Nocturne indien. Sorti de son cadre global, extrait de l'image, le détail dont parle Tabucchi rend compte d'un homme, les bras levés, son visage exprimant l'effort. Vêtu d'une chemise sportive, affublé d'un slogan sportif, cet homme, noir, sur lequel se concentre le regard, pourrait correspondre en tous points à un athlète victorieux. Cependant, replacé dans son contexte, cet homme est poursuivi. L'image et son rendu sont tout autres ; derrière lui, un policier, l'arme à la main, vient de tirer. Cet homme n'a rien d'un athlète: poursuivi, lorsque la scène est saisie, il est presque déjà mort, alors que le premier cadrage faisait de lui un homme victorieux. La réalité, par ce changement de cadre, est en somme falsifiée comme le remarque A. Manguel. Dans le cas du quatriptyque de Thierry, c’est la réalité qu’il questionne, poursuivie au plus loin de ce qu’elle ne montre pas. Anticipée, la joie cache, non loin derrière elle, la peur qui affleure, et la peinture porte la réalité vers des interstices qui la transfigure, la subjective, au plus près des contradictions qu’il convient peut-être de lever, par prémonition ou par simple et notable anticipation.  
 
Capté l’événement par ces petits bouts, par ces détails, par le détail qui tranche comme celui que célèbre Daniel Arasse dans ses brillantes analyses 2 ; la peinture vise moins à lever la fixité d’une photographie qu’à dénouer ce qu’elle cache dans ses puissantes émulsions. Le choix de travailler sur tel cliché ne se fait pas sur sa reconnaissance ou sur son pouvoir médiatique, mais bien plus sur le côté vif de ses émotions, sur la mise à nu possible de ses suggestions, sur son caractère inlassablement universel. L’image est politique ; elle draine des visions, elle apporte des réponses là où les questions se sont bien souvent absentées. Donner du texte, conter à sa manière ce que l’on voit, offre autant la possibilité que le risque d’en dire trop, ou pas assez. L’image photographique s’impose, mais l’on devient parfois aveugle à son message, à son rendu, quand elle est là, presque inerte, sans pouvoir se renouveler, revenant en boucle. Elle se banalise étrangement.
 
La peinture que produit alors Thierry la rend moins objective et sa technique, faite de mouvements rapides, mais précis, le flou du rendu, tout cela apporte un complément d’imprécision dont la scène bénéficie avec justesse pour se rendre plus évanescente, sans pour autant se perdre complètement dans l’abstraction, ce qui démultiplie sa capacité irréelle – hommage à Malraux – de dire l’indicible. Certes la peinture de Thierry s’y engage souvent dans ces voies de l’abstraction, mais cette construction, réservée à la périphérie de ses toiles, renforce la présence des personnages, noyés dans l’atmosphère d’un silence absolu. Des images élues au panthéon de sa peinture, les scènes de guerre ou de répression ont une place de choix. Politique, il va sans dire, dans leur thème, elles le restent après sa célébration par les touches de pigments, mais sans parti pris, sans jugement, juste une vision des interrogations qu’elle pose, sans la brutalité du réel que le peintre déplace, sans la ferveur d’un engagement, présent, malgré tout, dans son rendu. 
 Le Mur Rouge, 2005-2007 Je pense à son mur rouge, scènes tirées probablement de la vie à Gaza, sans qu’on ne le sache vraiment et cela n’a aucunement d’importance : des visages par dizaine, sur lesquels on lit autant la détresse que la stupeur ou la colère, une assemblée compacte d’hommes noyés dans l’absolu de la peinture, au cœur de funérailles sans fin, intemporelles, inlassablement recommencées où le corps a dû passer par toutes les mains, mais qui magistralement, par la déconstruction des cadres de la scène, s’est absenté. Sa seule matérialité, les yeux perdus de ceux qui l’ont observé au point qu’il s’imprime en arrière de leurs larmes ; je pense aussi à cette vision de la répression policière, ou là, pour le coup, Thierry s’invite à sa façon, à l’intérieur de l’espace. Il redéfinit l’image, s’introduit en son centre, regarde, non par ses yeux, mais par son imaginaire ce qui se trame et il le livre ainsi, brut d’une reconstruction. Il délaisse la technique du cadrage serré au profit d’un positionnement multiple au cœur des protagonistes ; on se retrouve alors, tantôt devant, tantôt derrière les policiers prêts à frapper, bouclier en l’air, matraque à la main, exposant de fait les ombres incarnées de la répression.
Un homme, seul, face à cette horde de fonctionnaires, observé, pris à parti, dont la présence est magnifiée par un mouvement de bras, jeté vers le haut, entre protection et protestation, et qui donne le rythme de cette terrible et si commune confrontation. Intermittent du spectacle n°2, 2007, "Gaza", 180x180 cm La photo, abrupte, livre probablement – mais on ne la connaît – sa version de l’instantané, donnant libre champ à la violence ; la peinture est une multitude de points de vue, un arrêt sur la violence, mais enrobée d’une pensée que la peinture gagne, et les couleurs, vives, plurielles, donnent matière à ce champ de l’impossible qu’il convient d’interroger pour se porter garant d’une permanence, d’une continuité de l’ineffable. Si, par contre, la peinture de Thierry dramatise l’image sportive, en relève les méandres politiques cachés, elle adoucit par certains côtés, en la démultipliant, la scène d’une violence policière. Rendue abstraite dans ses aplats, la lecture chromatique n’en est pas moins une source de pensées profondes, car la peinture suit par là un mouvement très contemporain de brutalité contenue, de violence qui se défile, de surgissement épars, trompant son monde sur sa possible limitation. Moins visible, la violence se cache, se dérobe, aussi vivement que la peinture la rend abstraite, mais bien vivante, point de fébrilité humaine dans la société moderne.  ...
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(ENG) ... Other images in Thierry's work, on which he focuses his attention, he points out his energy, those, personal, family, that we keep in shoeboxes, at the back of some cupboards, and which stand out very occasionally when the desire meets the need. Family images are the object, through painting, of a work of translation that Thierry calls with acuity “false memories”. Who are those who do not have the snapshots of their life, at their fingertips, without ever taking the time, in ordinary days, to dust them off? These photographs are there as the pledge of a memory to be awakened intermittently, and that events such as deaths, births, charged with emotions, bring them out of the darkness. They are constantly being accumulated, more and more, due to advanced technology which now makes it possible to collect, down to the minute, the images of one's life that only those concerned find it in their interest to see again, whereas for those who are not initiates, they are part of an insipid set of personal visions, to say the least, futile and often wobbly, poorly framed, and without any flavor. Difficult to project oneself into the photographic album of others, without the feeling of an inappropriate voyeurism, even if the invitation is sincere. We get lost in it as in a trip that is too well prepared and which does not bring, as we might have hoped, its share of surprises. "False memories", 2009-2010 Without exception, the painter has his own, his family images where birthdays, ski holidays, weekend gatherings, or events immortalized in hieratic attitudes where the pinched smile betrays the necessity of the pose that the amateur photographer calls for to transcribe a certain uniqueness. When Thierry speaks of false memories, one can make the precise remark that very often, after the event that photography celebrates, it becomes difficult over time to detach oneself, even to extricate oneself, from the image that she left. Remembering the facts surrounding the shot, what preceded it, as well as what followed it, requires an effort that intensifies to the point of being vain, year after year. Memory weakens and the image drains his powers; it obscures this before and this after, the image has taken the place of memory – the image has become a powerful marble on which are engraved, for once, “false memories”, as if, on the blurred edges, time had left an increasingly blurred imprint. In other words, the photograph did not freeze, but caused the rhythm of the party, the travel visits, and the joy of reunions to disappear in the precise framing of a breath.
Wobbly, badly taken, badly framed, sometimes astonishing, these self-images mean little, at first sight, outside the scope of those who know those who have exposed themselves. By drawing them from his own memories, Thierry submits them to the rigor of the canvas. His painting operates, by a few lines, a few traces, sketched at the speed of a breath, an action of radical transformation. They draw the best from them, the deep sap, the hidden codes, the ancient reality, and through this game of recomposition, he restores balance, reframes everything, suddenly erases imperfections, and the canvas gives to the image a second breath, a new impression. Of this pictorial work, one could say that it is the characteristic of an interpretation; Not sure, Thierry, by fixing these scenes, takes them out of their banality, purges them of deja-vu, but this ordinaryness that characterizes them has its necessity that color does not erase, that construction does not abrade either. "False memories", 2011 On the contrary, a simple palette, primary colors in the service of a concise, but fully effective rendering; a few lines, flat tints, for two boys in the water, for two boats moving away in the distance, looking like embarkation for Cythera, for a young man, pulling his child's sled up a gray-white snow slope in a winter that depends on a few clues, but enough for the viewer to get a clear idea. A parasol, two children and a man who shelters them, a father, it goes without saying, a summer scene which brings together all the elements of contemporary allegory, in direct line with that of Poussin, in its ideal and harmonious landscape , where the harvest reminds us that we must pick the fruits of happiness; the beach and its fleeting moments of play are indeed the fixation of a memory that we would like to be imperishable, behind which men, recently, run every summer – quite simply to be among themselves, with family, and of which Thierry celebrates, by through its own photos, the universal aspiration. "False memories", 2011 Absent, contrary to his work on media images, the features of the face are caught in a single background, in a tide of paint that hardly ever lets a glimpse of the eyes or the gaze, while the posture of the head, its inclination on each canvas, gives the character a presence that goes well beyond expression. It is the atmosphere in a few lines, by a choice of strong colors that the gray-black, common point, brings together, which delivers the emotion and we feel, by these few lively brushstrokes, the image seize, and it is surprising to see with what ease, with what ease, allowed by the rigor and the balance of these scenes, one feels oneself concerned; the image speaks to us and memories, ours, resonate with the tight cutting of these moments of life. By its conventions and its failures, family photography pulverizes the possibility of a broader transmission; through the gaze of a painter like that of Thierry, she delivers the essential of a communion, that of allowing us the possibility of being, ever so slightly, the subject of these images. We can see ourselves so well in these moments of jubilation between loved ones, where together we defy the camera on the advice of our mother, our father, where children, cousins ​​or brothers, neighbors or friends, shake hands hand tenderly as a sign of sharing. You can see yourself there so much in those birthday parties where the candle never ends, flickering, shining when, preceding the fateful second when the breath reaches the flame, the still puffy cheeks begin to blush. You can also see yourself there in the sports images, in the walks by the sea, or at the edge of the forests for an unforgettable siesta. The apparent neutrality of these images like their fleeting banality stretch to the point of getting lost because Thierry juxtaposes family celebrations and period images, such as that of the 2CH, emblematic car or the TGV, coming to punctuate this cycle, registered, despite everything, in an era where values ​​are displayed, in hollows, such as speed or performance; it doesn't matter, you will tell me, the essential is well elsewhere, and by this painting which spreads out, by the weakness of the nuances, by its abstract side in the contours, on the edges, even in the faces, by these backgrounds sometimes uniform, made of a mixture of grey, white and black, sometimes by radical chromatic oppositions, we see the space being diluted, the image ready to be lost. Sometimes it even becomes difficult to recognize the subject accurately; the brush acts as a revealer, but it also changes into an instrument of scrambling, it follows the contours of time with illusion and this is probably why these paintings are not unique, but are the proof of a rhythm or a universal breath. The first impression is there, lying before our eyes eager to see themselves in the reflections it that she hands us.
The image is an imprint, as it is above all a dialogue. It invites itself and becomes above all present in the gaze that sustains it. Thierry, through his painting, becomes the smuggler. He conquers their presence and he directs us through his talent to convey the codes of the singular in the universal, and, through the questions he settles in the collective images, he leaves to those who want to apprehend it, the magic of the universal in the banality of the images that everyone, or almost, holds, these days, deep within themselves. Let us be grateful to him for all this.
  Franck Enjolras, March 27, 2012
  Page of F. Enjolras at the EHESS

Enjolras, Franck. 2020. Eric Manigaud. L’histoire à ciel ouvert. Saint-Etienne : Le Réalgar, 36 p. ISBN : 978-2-491-56017-1. 

Page of Franck Enjolras, doctoral student in anthropology, psychiatrist http://iris.ehess.fr/document.php?id=623
Notes: The picture book, Alberto Manguel, Babel.
 Nothing can be seen, Daniel Arasse, Descriptions.
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(FR) Autres images dans le travail de Thierry, sur lesquelles il concentre son attention, il pointe son énergie, celles, personnelles, familiales, que l’on conserve dans les boîtes à chaussures, au fond de quelques placards, et qui ressortent très épisodiquement quand l’envie rencontre le besoin. Les images de familles sont l’objet, par le biais de la peinture, d’un travail de traduction que Thierry nomme avec acuité « les faux souvenirs ». Qui sont ceux qui ne possèdent pas les clichés de leur vie, à portée de main, sans jamais prendre le temps, dans l’ordinaire des jours, de les dépoussiérer ? Ces photographies sont là comme le gage d’une mémoire à réveiller par intermittence, et que des événements comme les morts, les naissances, chargés d’émotions, les font ressortir de l’obscurité. On les accumule sans cesse, de plus en plus, du fait d’une technologie avancée qui permet désormais de collectionner, à la minute près, les images de sa vie que seuls les concernés trouvent leur intérêt à revoir, alors que pour les non-initiés, elles font parti d’un ensemble insipide de visions personnelles, pour le moins, futiles et souvent bancales, mal cadrées, et sans saveur aucune. Difficile de se projeter dans l’album photographique des autres, sans le sentiment d’un voyeurisme déplacé, même si l’invitation en est sincère. On s’y perd comme dans un voyage trop bien préparé et qui n’apporte pas, comme on aurait pu l’espérer, son lot de surprises. "Faux souvenirs", 2009-2010 Sans exception, le peintre a les siennes, ses images de familles où s’égrènent le temps des anniversaires, les vacances au ski, tout comme les rassemblements de week-end, ou encore les événements immortalisés dans des attitudes hiératiques où le sourire pincé trahit la nécessité de la pose que le photographe amateur appelle de ses vœux pour transcrire une certaine unicité. Quand Thierry parle de faux souvenirs, on peut se faire la remarque précise que très souvent, après l’événement que la photographie célèbre, il devient au fil du temps difficile de se décoller, voire de s’extirper, de l’image qu’elle a laissée. Se remémorer les faits qui entouraient le cliché, ce qui l’a précédé, tout comme ce qui l’a suivi, demande un effort qui s'intensifie au point d’être vain, d’années en années. La mémoire s’affaiblit et l’image lui ponctionne ses pouvoirs ; elle obscurcit cet avant et cet après, l’image a pris la place du souvenir – l’image devenue un marbre puissant où se grave, pour le coup, de « faux souvenirs », comme si, sur les bords brouillés, le temps avait laissé une empreinte de plus en plus floue. En d’autres termes, la photographie n’a pas figé, mais fait disparaître dans le cadrage précis d’une respiration le rythme de la fête, les visites de voyage, ainsi que la joie des retrouvailles.
Bancales, mal prises, mal cadrées, étonnantes parfois, ces images à soi signifient peu, à première vue, hors champ de celui qui connaît ceux qui se sont exposés. En les tirant de ses propres souvenirs, Thierry les soumet à la rigueur de la toile. Sa peinture opère, par quelques traits, quelques traces, esquissées à la vitesse d’un souffle, une action de transformation radicale. Ils tirent d’elles le meilleur, la sève profonde, les codes qui se cachent, la réalité ancienne, et par ce jeu de la recomposition, il redonne un équilibre, re-cadre le tout, gomme soudain les imperfections, et la toile donne à l’image un second souffle, une impression nouvelle. De ce travail pictural, on pourrait dire qu’il est le propre d’une interprétation ; pas sûr, Thierry, en fixant ces scènes, les tirent de leur banalité, les expurgent du déjà-vu, mais cet ordinaire qui les caractérise a sa nécessité que la couleur n’efface pas, que la construction n’abrase pas non plus. "Faux souvenirs", 2011 Bien au contraire, une palette simple, des couleurs primaires au service d’un rendu concis, mais pleinement efficace ; quelques traits, des aplats, pour deux garçons dans l’eau, pour deux barques s’éloignant au loin, aux allures d’embarquement pour Cythère, pour un jeune homme, tirant sur une pente de neige gris-blanche sa luge d’enfant dans un l’hiver qui tient à quelques indices, mais suffisant pour que le spectateur s’en fasse une idée précise. Un parasol, deux enfants et un homme qui les abrite, un père, il va sans dire, une scène d’été qui rassemble tous les éléments de l’allégorie contemporaine, en droite filiation avec celle de Poussin, dans son paysage idéal et harmonieux, où la moisson nous rappelle qu’il nous faut cueillir les fruits du bonheur ; la plage et ses instants fugaces de jeu sont bien la fixation d’un souvenir que l’on voudrait impérissable, derrière lequel les hommes, depuis peu, courent chaque été – tout simplement être entre soi, en famille, et dont Thierry célèbre, par le truchement de ses propres photos, l’universelle aspiration. "Faux souvenirs", 2011 Absents, contrairement à son travail sur les images médiatiques, les traits du visage sont pris dans un fond unique, dans une marée de peinture qui ne laissent quasi jamais entrevoir les yeux ou le regard, tandis que la posture de la tête, son inclinaison sur chaque toile, confère au personnage une présence qui va bien au de-là d’une expression. C’est l’atmosphère en quelques traits, par un choix de couleurs fortes que le gris-noir, point commun, rassemble, qui livre l’émotion et l’on sent, par ces quelques coups vifs de pinceaux, l’image nous saisir, et il est étonnant de voir avec quelle facilité, avec quelle aisance, permises par la rigueur et l’équilibre de ces scènes, on se sent soi-même concerné ; l’image nous parle et des souvenirs, les nôtres, entrent en résonnance avec le découpage serré de ces instants de vie. Par ses conventions et ses ratés, la photographie de famille pulvérise la possibilité d’une transmission élargie ; par le regard d’un peintre comme celui de Thierry, elle livre l’essentiel d’une communion, celle de nous permettre la possibilité d’être, un tant soit peu, sujet de ces images. On s’y voit tellement bien dans ces moments de liesse entre proches, là où ensemble on défie l’objectif sur les conseils de sa mère, de son père, là où les enfants, cousins ou frères, voisins ou amis, se serrent la main tendrement en signe de partage. On s’y voit tant dans ces fêtes d’anniversaire où la bougie n’en finit plus, en vacillant, de briller quand, précédant la seconde fatidique où le souffle atteint la flamme, les joues toujours gonflées commencent à rougir. On s’y voit aussi dans les images sportives, dans les promenades en bord de mer, ou à la lisère des forêts pour une sieste inoubliable. La neutralité apparente de ces images comme leur fugace banalité s’étirent au point de se perdre car Thierry juxtapose fêtes de famille et images d’époque, comme celle de la 2CH, voiture emblématique ou du TGV, venant rythmer ce cycle, inscrit, malgré tout, dans une époque où les valeurs s’affichent, en creux, telle la vitesse ou la performance ; peu importe, me direz-vous, l’essentiel est bien ailleurs, et par cette peinture qui s’étale, par la faiblesse des nuances, par son côté abstrait dans les contours, sur les bords, voire dans les visages, par ces fonds tantôt uniformes, fait d’un mélange de gris, de blanc et de noir, tantôt par des oppositions chromatiques radicales, on voit l’espace se diluer, l’image prête à se perdre. Parfois, il devient même difficile d’en reconnaître le sujet avec précision ; le pinceau fait office de révélateur, mais il se change aussi en instrument de brouillage, il suit avec illusion les contours du temps et c’est probablement pour cela que ces peintures n’ont rien d’unique, mais sont bien la preuve d’un rythme ou d’un souffle universel. L’impression première est là, gisante sous nos yeux avides de se voir dans les reflets qu’elle nous tend.
L’image est une empreinte, comme elle est avant tout un dialogue. Elle s’invite et devient avant tout présente dans le regard qui la soutient. Thierry, par sa peinture, s’en fait le passeur. Il conquiert leur présence et il nous destine par son talent de messager les codes du singulier dans l’universel, et, par les questions qu’il tranche dans les images collectives, il laisse à celui qui veut bien l’appréhender, la magie de l’universel dans la banalité des images que chacun, ou presque, détient, de nos jours, au fond de lui-même. Soyons lui gré de tout cela. 
Franck Enjolras,le 27 mars 2012
      Page de F. Enjolras à l'EHESS Enjolras, Franck. 2020. Eric Manigaud. L’histoire à ciel ouvert. Saint-Etienne : Le Réalgar, 36 p. ISBN : 978-2-491-56017-1.
Page de Franck Enjolras, doctorant en anthropologie, psychiatre
http://iris.ehess.fr/document.php?id=623
 Note:
  1. Le livre d’images, Alberto Manguel, Babel.
  2. On n’y voit rien, Daniel Arasse, Descriptions. 
 
 ***
 (ENG) Everything is fine,
for Thierry Gruas who exhibits
Texts by Pierre Rochigneux
March 21, 1999.
 
First story
Ulla Trente-six-quinze opens the big picture book. “I come from here crippled or recluse, I was born on paper before giving the cry that shook the world. They were already cutting out my life, I was born on paper, I have quadrichrome eyes, darling, still dare to say that I have beautiful eyes, a fertile belly, I gave then as I was given, having received, ingested what I had tended. Thirsty dad and tell me a story to pass the night.” Hopefully the night will pass.

Second drawing
The icon wiped away by offset, swallowed by the scanner, digested by the photocopier, augmented and diminished - become anamorphosis - now replaces the reality from which it emerged, losing its memory for a time, before a reconstitution, a substitution, a revelation, an apocalypse which now tells that not far from the byte is located the blue atom which, flirting with the red atom and the yellow atom, produces a light; as long as we put some oil and learning on it, we obtain at the end of a brush the wise sensation that a material which settles, which vibrates, which covers and uncovers, which stains the fingers, which smells weird and takes a long time to dry. So far, so good. But now it speaks to us like a kid looking for words, like my little nephew who speaks Creole. At first we don't understand. By necessity we will be able to decipher or guess that the icon is hungry, that she wants a caress, that she has an urgent need. The modern icon sells soaps and warplanes, that's no reason to pass over her body without thanking her, you don't empty your balls without giving a hug, otherwise, it's called something else.

Third line
Everything is going pretty damn well.

Fourth claim
It is good to know that what is expensive in painting is not the material; all of Goya's work cut by cm2 and sold thus would not be worth the nail that will hang a fragment. If, on the other hand, we glued his works to each other, filling the interstices with sketches, we would obtain the image of Frankenstein's creature. Also, composition is the true nature of the work, it is its mastery and its grammar. Maybe, if all goes well.

Fifth drawing
You don't ask a donkey if the load is too heavy. We see that it advances or that it bends. This is how the necessity of the act of creation arises, when everything is going well, when everything is going badly.

Sixth try
The rainbow is not a bridge for elves to dance on. How would they? As soon as you approach it, the arc closes. But I have to tell myself this story when I see the rainbow, I fail to think that a structured, inalienable and authentically present element cannot be touched, I could not touch Guernica , I couldn't touch Caroline, I know it was painted, I know it was loved.
 
 Seventh duty
When I roam the countryside, it must be useful to me, in the form of mushrooms or love, daffodils, photographs. At the Prado I was transformed, at Conques I was transported, at the Rodin Museum I was seduced but it is at the Louvre that I owe my first knowledge of female anatomy; Since then, if there is no naked girl on the walls of an exhibition, I come out of the water like a duck.
 
Eighth canto
I will go see you when time has separated us, I will reread the curves of your face, observe your body which changed with each child, I will tell you that nothing has changed, that in everyday life everything is fine, that in the morning the radio contains the evils of the earth, my exclusive power over them is to lower the volume, I lower the volume of a war, I lower the volume of a plane that falls into the sea, I lower the volume of a bomb, of a debate on contraception, as I lower the volume of my feelings for you. You were a princess, an angel, a muse, beauty, a bitch, my little sugar, the one who sits by my side, a taste of Jasmine, my way of seeing the world without me being the center of it. A torn image, a long worn photograph.

Ninth proposal
When I'm tired, I stretch my face by closing my eyes, I apply my palms firmly to the eye sockets (and only see recurring stars), until it hurts. By moving the eyes I move the dust that is inside my gaze. We must constantly apply certain gymnastics to the eyes so that they restore to us as faithfully as we dream the lace of the mountain, the tip of the breast, the background of the horizon, the thickness of the line. And when I release my face, when my eyes open to the colorful world, everything is fine, the stars are slowly dying out.

Tenth sentence
I lift my soul above my building and I observe. With Thierry we are weeding the yard, well, the neighbor is back, I have to change the television antenna, that's why, the bad reception, that's why, the snow, the 6 which does not pass, Pallets in black and white, I get an idea of ​​the floor of Van Gogh's bedroom, I tell myself that the poisonous frog from Amazonia must be superb and that the Black Widow is very black. Which makes me say that a reproduction must be altered to feel the absence of the original, of what is true in the original. And the famous Veronese green still fuels the debate, should we let the work suffer the outrage of time? At the risk of losing your memory. Many libraries have burned down, a child still has to go to the C.P. to learn to read despite Joyce's work, he has to learn to walk despite Jesse Owens' record, he has to learn to stand a pencil despite what Picasso found. The bell-founder in Tarkovsky's film is a charlatan who was only thinking of saving his own skin. But at the time, everything was bad. The autodidact was hungry.
 
Eleventh light
I listen to a shell to see the sea there, feet between heaven and earth, going from one drink to another, from one discussion to another, seeming to be looking for a place to settle down. My back is rubbing against the doorframe, ah, it's all good when we chase a little scratcher. I attempt a discussion on Bergman, then on the Euro, on the National Fronts, on the next floods, I peck like being here precisely between a waiting position and a starting position, a situation specific to a painting exhibition.

Twelfth Miracle
Sensing the approach of fine weather, we stick out the tip of our noses, our numb heads wonder if the light will still want to be tamed, we measure the photons, reassured, we finally take our whole body out into the street, into the city, into the new season. The sun will be higher each day, the shadows no longer lick the ground, they descend in a swoop on the planet, will skim the panes trying the daring reflections, the charging skin, heats up, expands, the colors come out, the muffled sounds come to me from an echo of winter, the last message of what had died to be reborn. An attitude of recovery abolishing regrets. It says that you have to shake your butt not to let yourself be overtaken, the avant-garde only happens in the present, it goes for walks as soon as the weather is nice, as soon as everything is fine it goes on vacation.

Thirteenth way of looking at things:
Her swaying, her postures, her way of not seeing me, her buddy hugging her tightly. I get closer to him to be closer to her, I am interested in their story, their next vacation, they will leave, I finally dance with her, I can only feel her by touching her. I think with my hands. My hands are fine.

Fourteenth everything is fine:
I am deaf to the falling leaf that startled the scorpion. I can see the spider's web, this trap is not meant for me. So it is with our observation, it is linked to the size of our legs, to our head circumference. At our place in nature.

Fifteenth Situation:
When she stretched out on me I was quite convinced that it was no longer a question of arguing, I knew that all that I could think no longer interested her; though I was thinking of her yet, now she was working to make me forget. Thus the creative gesture sometimes replaces the intelligence of the work.

Sixteenth allegory:
What man does no beast would do. Very few imitate us, except out of mockery or submission. Never for the survival of the species. And we do not know what will be the design on the skin of a newborn cow, whether this unborn cat will have a white paw or eyes of different colors, we still consider it necessary to give a monkey a brush and tubes. But if one day he painted us as we are, as he sees us, we would kill the monkey immediately.

Seventeenth Caution:
When she tells me she's leaving, I loosen the bridle, I use the belt, it's a trick to hold her back: the bridle is rubber, my belt is the skin of a Conquistador boa. When I don't like what I see in her, I roll my eyes, it's a trick, I'm myopic and the diffraction prevents me from thinking. When I see a pastel by Degas, I freak out, no trick will make me lie in front of him.

Eighteenth frivolity:
Fifteen years later I see her again recognizing me, we are looking at the same images, other hair is on her face, other rings are on her hands. Our memories will not be enough, we have moved too far away. We don't talk about what united us or what we watch, afraid of a disagreement? We are lost. I don't lose what I love, I lose the reasons to love, I have lost the reasons to love Sophie, I no longer love surrealism. Nor Paris. I'm starting to like the sun, I'm changing, Sophie give me your hand, let's talk about our gaze, I see our story there, I see what disappears.
Pierre Rochigneux, March 21, 1999
 

Liens - links:

"La peinture selon Thierry Gruas" : reportage photo de Xavier Pagès
http://www.xpages-photographe.com/spip.php?page=xpages#reportage-15
Présentation de Thierry Gruas, sur l'Oeil dans sa poche
http://www.loeildanssapoche.com/THIERRY-GRUAS.html
Blog of Pierre Rochigneux, author, director, architect
http://pierre-rochigneux.blogspot.com/
Page de Franck Enjolras, doctorant en anthropologie, psychiatre
http://iris.ehess.fr/document.php?id=623
 
 
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(FR) Tout va bien,

pour Thierry Gruas qui expose

Textes de Pierre Rochigneux

21 mars 1999
Première histoire:
Ulla Trente-six-quinze ouvre le grand livre d’images. “Je viens d’ici percluse ou recluse, je suis née papier avant de pousser le cri qui fit trembler le monde. Déjà découpait-on ma vie, je suis née papier j’ai les yeux quadrichromes, chéri, ose encore dire que j’ai de beaux yeux, ventre fécond je donnais alors comme je fus donnée, ayant reçu, ingurgité ce qu’il me tendait. Soif papa et raconte-moi une histoire pour faire passer la nuit.” Si tout va bien la nuit passera.
Deuxième dessin:
L’icône essuyée par l’offset, avalée par le scanner, digérée par la photocopieuse, augmentée diminuée - devenue anamorphose - se substitue désormais à la réalité d’où elle est sortie, perdant la mémoire pour un temps, avant une reconstitution, une substitution, une révélation, une apocalypse qui raconte désormais que non loin de l’octet se situe l’atome bleu qui flirtant avec l’atome rouge et l’atome jaune fabrique une lumière ; pour peu qu’on y mette de l’huile et de l’apprentissage on obtient au bout d’un pinceau la sensation sage qu’une matière qui se dépose, qui vibre, qui couvre et découvre, qui tache les doigts, qui sent bizarre et qui met longtemps à sécher. Jusqu’ici tout va bien. Mais voici que désormais ça nous parle comme un môme qui cherche ses mots, comme mon petit neveu qui parle le créole. Au début on ne comprend pas. Par nécessité on saura déchiffrer ou deviner que l’icône a faim, qu’elle veut une caresse, qu’elle a un besoin urgent. L’icône moderne vend des savons et des avions de guerre, ce n’est pas une raison pour lui passer sur le corps sans la remercier, on ne se vide pas les couilles sans rendre un câlin, sinon, ça s’appelle autrement.
Troisième réplique:
Tout va salement bien.
 
Quatrième prétention:
Il est bon de savoir que ce qui coûte cher dans la peinture n’est pas la matière ; tout le travail de Goya découpé par cm2 et vendu ainsi ne vaudrait par le clou qui pendra un fragment. Si en revanche on scotchait ses œuvres les unes aux autres, comblant les interstices par des esquisses, on obtiendrait l’image de la créature de Frankenstein. Aussi la composition est-elle la vraie nature de l’œuvre, elle est sa maîtrise et sa grammaire. Peut-être, si tout va bien.
Cinquième dessin:
On ne demande pas à un âne si la charge est trop lourde. On constate qu’il avance ou qu’il ploie. Ainsi se porte la nécessité de l’acte de création, quand tout va bien, quand tout va mal.
Sixième essai:
L’arc-en-ciel n’est pas un pont sur lequel iront danser les lutins. Comment le feraient-ils ? Sitôt qu’on s’en approche l’arc se barre. Il faut cependant que je me raconte cette histoire lorsque je vois l’arc-en-ciel, je ne parviens pas à penser qu’un élément structuré, inaliénable et authentiquement présent ne peut pas être touché, je n’ai pas pu toucher Guernica, je n’ai pas pu toucher Caroline, je sais qu’il fut peint, je sais qu’elle fut aimée.
Septième devoir:
Lorsque je bats la campagne, il faut qu’elle me soit utile, sous forme de champignon ou d’amourette, de jonquilles, de photographies. Au Prado je fus transformé, à Conques je fus transporté, au Musée Rodin je fus séduit mais c’est au Louvre que je dois mes premières connaissances de l’anatomie féminine ; depuis, s’il n’y a pas de fille nue sur les murs d’une exposition, je sors de l’eau comme un canard.
Huitième chant:
J’irai te voir lorsque le temps nous aura éloignés, je relirai les courbes de ton visage, l’observerai ton corps qui changeait à chaque enfant, je te dirai que rien n’a changé, que dans le quotidien tout va bien, que le matin la radio contient les maux de la terre, mon exclusif pouvoir sur eux est de baisser le volume, je baisse le volume d’une guerre, je baisse le volume d’un avion qui tombe en mer, je baisse le volume d’une bombe, d’un débat sur la contraception, comme je baisse le volume de mes sentiments pour toi. Tu étais une princesse, un ange, une muse, la beauté, une garce, mon petit sucre, celle qui s’assoit à mes côtés, un goût de Jasmin, ma façon de voir le monde sans que j’en fus le centre. Une image déchirée, une photographie longtemps portée.
Neuvième proposition:
Lorsque je suis fatigué j’étire mon visage en fermant les yeux, j’applique fortement les paumes sur les orbites (et ne vois que des étoiles récurrentes), jusqu’en avoir mal. En déplaçant les yeux je déplace les poussières qui sont dans l’intérieur de mon regard. Sans cesse doit-on appliquer aux yeux certaines gymnastiques pour qu’ils nous restituent aussi fidèlement que nous le rêvons la dentelle de la montagne, la pointe du sein, le fond de l’horizon, l’épaisseur du trait. Et quand je relâche mon visage, quand mes yeux s’ouvrent au monde coloré, tout va bien, les étoiles peu à peu s’éteignent.
Dixième sentence:
J’élève mon âme au dessus de mon immeuble et j’observe. Avec Thierry nous désherbons la cour, tiens, la voisine est rentrée, je dois changer l’antenne de télévision, c’est pour ça, la mauvaise réception, c’est pour ça, la neige, la 6 qui ne passe pas, Palettes en noir et blanc, je me fais une idée du sol de la chambre de Van Gogh, je me raconte que doit être superbe la grenouille venimeuse d’Amazonie et que la Veuve noire est bien noire. Ce qui me fait dire qu’une reproduction doit être altérée pour en ressentir l’absence de d’original, de ce qui est vrai dans l’original. Et le fameux vert Véronèse alimente encore les débats, doit-on laisser l’œuvre subir l’outrage du temps ? Au risque d’y perdre la mémoire. Bien des bibliothèques ont brûlé, il faut toujours qu’un enfant aille au C.P. pour apprendre à lire malgré l’œuvre de Joyce, il faut qu’il apprenne à marcher malgré le record de Jesse Owens, il faut qu’il apprenne à tenir un crayon malgré ce qu’a trouvé Picasso. Le fondeur de cloche du film de Tarkovski est un charlatan qui songeait seulement à sauver sa peau. Mais à l’époque, tout allait mal. L’autodidacte avait faim.
Onzième lumière:
J’écoute un coquillage pour y voir la mer, les pieds entre le ciel et la terre, allant d’un verre à un autre, d’une discussion à une autre, semblant chercher un endroit pour m’installer. Mon dos se frotte au cadre de la porte, ah, tout va bien quand on chasse une petite grattouille. Je tente une discussion sur Bergman, puis sur l’Euro, sur les Fronts nationaux, sur les prochaines inondations, je picore aimant être ici précisément entre une position d’attente et une position de départ, situation propre à une exposition de peinture.
Douzième miracle:
Sentant l’approche des beaux jours nous sortons le bout du nez, la tête engourdie se demande si la lumière encore voudra bien être domptée, nous mesurons les photons, rassurés nous sortons enfin tout le corps dans la rue, dans la ville, dans la nouvelle saison. Le soleil sera plus haut chaque jour, les ombres ne lèchent plus le sol, elles descendent en piqué sur la planète, raseront les vitres essayant les reflets audacieux, la peau de charge, se chauffe, se dilate, les couleurs sortent, les sons feutrés me parviennent d’un écho de l’hiver, dernier message de ce qui était mort pour renaître. Une attitude de recouvrement abolissant les regrets. Ça raconte qu’il faut se secouer le popotin pour ne pas se laisser dépasser, l’avant-garde ne se fait que dans le présent, elle se promène dès qu’il fait beau, dès que tout va bien elle part en vacances.
Treizième façon de voir les choses:
Ses déhanchements, ses attitudes, sa façon de ne pas me voir, son pote qui la serre de près. Je me rapproche de lui pour être plus proche d’elle, je m’intéresse à leur histoire, à leurs prochaines vacances, ils partiront, je danse enfin avec elle, je ne peux la sentir qu’en la touchant. Je pense avec mes mains. Mes mains vont bien.
Quatorzième tout va bien:
Je suis sourd à la feuille qui tombe et qui fit sursauter le scorpion. Je peux voir la toile de l’araignée, ce piège ne m’est pas destiné. Ainsi en va-t-il de notre observation, elle est liée à la taille de nos jambes, à notre tour de tête. A notre endroit dans la nature.
Quinzième situation:
Quand elle s’étendit sur moi je fus bien convaincu qu’il ne s’agissait plus de discuter, je sus que tout ce que je pouvais penser ne l’intéressait plus ; cependant que je pensais à elle pourtant, voilà qu’elle besognait pour me faire oublier. Ainsi le geste créateur se substitue-t-il parfois à l’intelligence de l’œuvre.
Seizième allégorie:
Ce que fait l’homme nulle bête ne voudrait le faire. Bien peu nous imitent, si ce n’est par moquerie ou par soumission. Jamais pour la survie de l’espèce. Et nous ne savons pas quel sera le dessin sur la peau d’une vache qui naît, si ce chat à naître aura une patte blanche ou les yeux de couleurs différentes, nous estimons encore nécessaire de donner à un singe un pinceau et des tubes. Mais si un jour il nous peignait tels que nous sommes, tels qu’il nous voit, nous tuerions le singe aussitôt.
Dix-septième prudence:
Quand elle me raconte qu’elle partira, je détends la bride, je me sers la ceinture, c’est une ruse pour la retenir : la bride est en caoutchouc, ma ceinture c’est la peau d’un boa Conquistador. Quand ce que je vois en elle ne me plaît pas, je fais les yeux ronds, c’est une ruse, je suis myope et la diffraction m’empêche de réfléchir. Quand je vois un pastel de Degas, je pète les plombs, aucune ruse ne me fera mentir devant lui.
Dix-huitième frivolité:
Quinze ans plus tard je la revois qui me reconnaît, nous regardons les mêmes images, d’autres cheveux font sa face, d’autres bagues font ses mains. Nos souvenirs ne suffiront pas, nous nous sommes trop éloignés. Nous ne parlons pas de ce qui nous unissait ni de ce que nous regardons, peur d’un désaccord ? Nous nous sommes perdus. Je ne perds pas ce que j’aime, je perds les raisons d’aimer, j’ai perdu les raisons d’aimer Sophie, je n’aime plus le surréalisme. Ni Paris. Je commence à aimer le soleil, je change, Sophie donne-moi la main, parlons de notre regard, j’y vois notre histoire, j’y vois ce qui disparaît.
Pierre Rochigneux, 21 mars 1999
 

Liens - links:

"La peinture selon Thierry Gruas" : reportage photo de Xavier Pagès:
http://www.xpages-photographe.com/spip.php?page=xpages#reportage-15
Des mouches pour Thierry Gruas, texte de Pierre Rochigneux
http://pierre-rochigneux.blogspot.com/2010/07/des-mouches-pour-thierry-gruas.html
Blog de Pierre Rochigneux, auteur, metteur en scène, architecte
http://pierre-rochigneux.blogspot.com/
Présentation de Thierry Gruas, sur l'Oeil dans sa poche
http://www.loeildanssapoche.com/THIERRY-GRUAS.html
Page de Franck Enjolras, doctorant en anthropologie, psychiatre
http://iris.ehess.fr/document.php?id=623
 
 
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 24 juin 2022 - En hommage aussi à Christophe Vailati°°°
 
https://www.radioscoop.com/infos/loire-un-artiste-stephanois-retrouve-mort-chez-lui_248930

  °°°Portrait de Christophe Vailati.

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